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LE BLOG DE VIVIANE
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24 juillet 2011

<<25

affiche_propagande_anglaise_jaune_1916

 

ARCHIVE : source n°27235 / Date inconnue

 

EXTRAIT DU JOURNAL INTIME DE MANON LANGLOIS-BELLOUMI

 

Si j’avais insisté, il serait encore en vie.

Peut-être.

 

Il faut que je parle.

 

Rive droite.

Ce jour-là, mon mari et moi sommes allés chercher de quoi manger. Je ne voulais pas qu’il vienne, c’était risqué d’aller jusqu’à la rue Orbe. Mais il ne voulait rien savoir, il disait que c’était dangereux.

J’ai cédé.

 

Nous habitions rue Saint-André, pas loin de la Place Cauchoise.

 

Il n’y avait personne dans les rues. Sauf quelques cadavres qu’on enjambait, les victimes d’une guerre dont on ne saisissait pas vraiment les enjeux, une guerre civile mondiale qui opposait les fondamentalistes religieux, les libéraux-démocrates, les nationalistes, les écologistes, pirates et activistes de tous bords.   

 

Rouen était une ville paisible, la ville de province dont les dernières secousses dataient de la deuxième guerre mondiale. C’était il y a une éternité.

 

Nous marchions dans le brouillard et le froid glacial. Pas loin de la gare, je me souviens qu’il y avait ce logo sur le mur de la rue Saint-Maur, quelque chose qui ressemblait à un disque, je crois. Mon mari me disait que ça lui rappelait la belle époque, quand il traînait dans les caves de la ville.

— Tupelo Soul, ça ne te dit rien ?

Je n’avais pas répondu. Je ne l’avais pas entendu. Il y avait un bruit de moteur. Là. Quelque part.

Nous étions au milieu de la rue Saint-Maur quand a surgi une patrouille de reconnaissance.

Ils se sont arrêtés à 5 mètres, n’ont pas stoppé le moteur. Sur les portières de la jeep blindée : la fleur de Lys.

Mauvais pressentiment.

 

Opération de contrôle.

Des hommes et des chiens.

La Brigade Jeanne D’Arc.

 

Ils nous ont demandé nos papiers.

Nous ne savions quoi répondre. C’était absurde. Nous étions ce qu’il était désormais convenu d’appeler des apatrides.

— Vos papiers !

— Quels papiers ? je leur ai demandé.

Ils ont ricané.

— Nous sommes l’État, a répondu l’un d’eux, un type avec un œil de verre. Nous sommes le royaume éternel, le royaume catholique, la fille aînée de l’Église, la résurrection.

Mon mari tremblait. Quand l’un d’eux lui a craché au visage.

Mauvais pressentiment.

Je leur ai dit que nous n’avions rien à voir avec ceux qu’ils combattaient, que nous étions des civils, sans étiquette, rien de plus.

Ils ont regardé mon mari.

— Et lui, tu baises avec lui, ce fils de pute d’Allah ?

— C’est mon mari. Il n’a rien à voir avec eux (c’est-à-dire la faction islamiste radicale qui contrôle Sotteville et ses environs, groupuscule affilié à l’international Shebab).

Le type avec un œil de verre a éclaté de rire, s’est approché de moi, a voulu m’embrasser. Je lui ai foutu une claque.

— Salope ! Tu n’es qu’une trainée !  Tu vas sentir la queue de la chrétienté !

 

Je ne pourrais pas décrire ce qui a suivi. Les mots manquent pour évoquer l’enfer. Je préférerais me taire. Oublier ce dont la bête humaine est capable.

 

Quand je me suis réveillée, Aziz gisait près de moi, sans vie, le visage éclaté. Il sentait l’urine.

 Ils lui avaient logé une balle dans le crâne et lui avaient pissé dessus.  

 

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